25 Avril 2015 - Toulouse - La Carretera Malaga Alméria, février 1937 : Un Guernica qui n'a pas eu sa toile !

Publié le par Annie Galy

25 Avril 2015 - Toulouse - La Carretera Malaga Alméria, février 1937 : Un Guernica qui n'a pas eu sa toile !

A l'Espace des diversités de Toulouse, le 25 Avril 2015, à l'initiative de membres de l'Association Mémoria y Exilio, sous la responsabilité du CIIMER (1) et l'active participation de 7 associations membres du CIIMER se sont tenues deux conférences débats sur le thème:

Les Massacres oubliés de la Guerre d'Espagne 1936 - 1939.

La première conférence débat avait pour thème: Le Massacre de la Carretera Malaga Alméria en Février 1937. Cette conférence fut donnée par le professeur et écrivain Jésus Majada (2) venu spécialement de Malaga.

Ce dramatique épisode s'est déroulé sept mois après le coup d'état du 18 Juillet 1936 des franquistes contre la République, violences peu connues et à peine reconnues aussi bien en Espagne qu'en France y compris dans les espaces mémoriels des fils et filles des Républicains Espagnols. Le massacre de la Carretera Malaga - Alméria sera l'un des premiers épisodes sanglants de la Guerre d'Espagne sur une population civile sans défense, l'un des plus honteux, faisant des milliers de morts et de blessés. Jésus Majada a présenté un diaporama de cet exode inhumain, affichant les photos prises en Février 1937 par le chirurgien canadien Norman Béthune et son équipe sur la Carretera Malaga-Alméria, accompagné des témoignages de personnes qui ont vécu ce drame. Norman Béthune, forte personnalité, s'engagea avec son équipe dès 1936 en Espagne auprès des Républicains Espagnols. Il deviendra célèbre tant par ses convictions que par son investissement en matière humanitaire en créant au plus près du Front Madrilène la première unité mobile de transfusion sanguine.

Comme l'avait souhaité Jésus Majada, chaque séquence bouleversante, chaque photo poignante, chaque témoignage douloureux seront mis en valeur par les membres de l'association Mémoria y Exilio qui s'exprimaient gravement au rythme des images et des émotions exprimées par le public. Ensuite, des témoignages de survivants de la Carretera de la Muerte (3), de l'association Mémoria y Exilio ont été lus. D'autres survivants étaient présents dans la salle : Marguerite Gonzalez Roldan et Antoine Martin. Marguerite Roldan, âgée aujourd'hui de 91 ans et Antoine Martin ont pris la parole pour témoigner sur la terrible réalité de la Carretera Malaga - Alméria. Moments forts quand Marguerite a rappelé qu'elle n'avait que 12 ans en Février 1937, que 15 membres de la famille dont le plus jeune avait 5 ans, étaient sur cette Carretera, insistant sur le fait que ce drame, plus horrible que ce que l'on pouvait découvrir sur les images, est resté gravé à jamais dans sa mémoire. Leurs mots, leur histoire et leur sincérité ainsi que la vidéo de Paco Puentedura ont ému et conquis une salle comble.

Jésus Majada a engagé le débat et confirmé combien cette fuite fut terrible, pourquoi elle sera un piège tendu et un rendez-vous avec la fureur humaine. Il rapellera comment le massacre de la Carretera Malaga - Alméria, route appelée Carretera de la Muerte (3), sera un des épisodes les plus sanglants de la Guerre d'Espagne. Assassinats perpétrés une semaine durant contre une population civile, une majorité de femmes, enfants et vieillards, obligée de quitter Malaga et sa région qui venait de tomber aux mains des armées fascistes allemandes, italiennes, rebelles, sur des gens sans défense. Abominables tueries qui feront des milliers de blessés, des milliers de morts, beaucoup plus de victimes qu'à Badajoz ou à Guernica, objet du fameux tableau ou le massacre de Basques fut immortalisé par Picasso, artiste Espagnol né justement à Malaga. "Guernica aurait pu s'appeler Malaga"

Jésus Majada s'est livré aux questions pertinentes d'un public conquis. Echanges riches et fort intéressants. Nombreux ont été ceux qui ont apprécié Jésus Majada fort d'une humilité et d'une simplicité qui l'honorent et qui a répondu aux questions avec maîtrise et sincérité. Nous tenons aussi à le remercier pour avoir accepté de venir témoigner, mais aussi pour sa gentillesse, sa générosité, ses compétences, sa volonté et son opiniâtreté pour faire connaître et reconnaître par ses expositions , ses conférences, ses livres, ce tragique épisode de la guerre d'Espagne des deux côtés des Pyrénées : La Carretera de la Muerte.

La deuxième conférence débat animée par Henri Farreny (4) interroge et interpelle en posant la question : La Guerre d'Espagne n'est-elle qu'une Guerre Civile ?

Fort du constat d'une participation massive de troupes étrangères rappelée par Jésus Majada sur la Carretera Malaga-Alméria, Henry Farreny déroule une argumentation sans appel sur la dommageable appellation Guerre Civile. A partir d'un diaporama présenté à l'occasion de conférences en Espagne et en France, Henry Farreny, sur le thème "parler juste" rappelle combien l'histoire est le plus souvent écrite par les vainqueurs et dans ce sens il explique l'ambigüité des mots utilisés depuis la fin de la Guerre d'Espagne pour donner au régime franquiste une certaine légitimité, notamment dans l'utilisation de certains mots tels que Guerre Civile et Nationalistes pour qualifier les armées rebelles. En résumé, la Guerre d'Espagne serait aux yeux de trop nombreux historiens une Guerre Civile qui a opposé les "Nationalistes" aux Républicains !

Des questions se posent donc en matière sémantique et historique, car les rebelles nommés franquistes étaient bien des fascistes luttant contre la République et ses valeurs. Quant au terme nationaliste dont les franquistes s'étaient auto-baptisés, il aurait pu qualifier les Républicains qui défendaient la nation contre un coup d'état militaire. A cet argument s'ajoute la présence des nationalistes basques (P.N.V) dans le camp Républicain, ce qui démontre - si besoin était - la confusion entretenue par rapport à ce terme.

Henry Farreny a rappelé le rôle déterminant que jouèrent les troupes allemandes, italiennes, portugaises et marocaines dès le début de la guerre en 1936 et a insisté sur le fait qu'il est temps de ne pas réduire la Guerre d'Espagne a ses aspects fratricides qui ont malheureusement existé.

La Guerre d'Espagne n'est-elle pas pour les Républicains une guerre de résistance contre le fascisme européen (Hitler, Mussolini, Salazar) et n'est-elle pas comme la plupart des historiens le reconnaissent aujourd'hui le premier acte de la seconde guerre mondiale ? Partager la culture historique exige une synthèse faite de rigueur et de réflexion sur le sens et l'intention des mots et ne doit pas laisser place aux appréciations approximatives, erronées, édulcorées ou partisanes.

Un débat animé s'en est suivi avec un public avisé, échanges intéressants et questionnements pertinents montrant cependant que l'expression Guerre Civile est restée gravée surtout dans les mémoires des familles ayant subi des atrocités et qui sont restées 40 ans sous le joug de la dictature franquiste. L'après-midi s'est terminé par un apéritif très convivial ou les échanges et les conversations ont continué et comme toujours des liens se sont noués au sein d'une grande famille Républicaine.

Annie Gonzalez Galy (5 )

(1) CIIMER : Centre d'Investigation et d'Interprétation de la Mémoire de l'Espagne Républicaine

lien : https://sites.google.com/site/borredon2012/le-ciimer

(2) Jésus Majada : Professeur - Ecrivain et coauteur de plusieurs livres dont La Carretera Malaga Alméria et Norman Béthune, La huella solidaria

(3) Carretera de la Muerte : En Français, Route de la Mort

(4) Henry Farreny : Professeur d'Université - Président de l'Amicale des Guérilleros Espagnols F.F.I - Auteur de livres dont La Reconquista de España écrit avec son frère Charles Farreny.

(5) 15 membres de ma famille ont été en Février 1937 avec Marguerite, sur la Carretera Malaga Alméria, puis en Février 1939 ont passé la frontière au Perthus...

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