12 Novembre 2017 - Carbonne (Haute-Garonne) - Film Angel

Publié le par JB

Du 23 Octobre au 15 Novembre 2017, dans le cadre du souvenir de l'exil Républicain Espagnol, plusieurs événements étaient organisés par l'association Histoires et Traditions Carbonnaises, en partenariat avec le Musée Départemental de la Résistance et de la Déportation de Toulouse et la municipalité de Carbonne.

Le film Angel s'inscrit dans ce cadre-là. Il s'agit d'un documentaire de Stéphane Fernandez coproduit par la société de production toulousaine Le Lokal et France Télévisions en 2016 sur une musique de Tomas Gimenez, El Comunero. En présence d'Angel, acteur de son propre rôle et Dominique Fernandez, père du réalisateur. Présenté par IRIS, Mémoires d'Espagne, ce film a fait partie de la sélection du 21ème festival Cinespaña de Toulouse 2016. Présenté dans diverses villes de France sous forme de ciné-débat, il a aussi été diffusé sur FR3 Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Aquitaine et Limousin Poitou-Charentes

Après avoir gardé le silence pendant des années(1), Angel retourne sur les lieux de son passé en France et en Espagne en compagnie de Domingo, nous voyageons dans sa mémoire, dans son histoire personnelle sur fond de Guerre d'Espagne. Le documentaire est entrecoupé de scènes d'animation illustrant les commentaires de Angel. Les scènes d'animation sont directement inspirées de dessins de Angel pour ses petits enfants. De retour sur les lieux marquants de sa vie remontent des souvenirs lointains enfouis dans sa mémoire et remontant parfois brusquement à la surface, toutes ces années après, avec souvent de l'émotion. Des rencontres sur ces lieux avec d'autres anciens et des échanges qui en découlent ressortent des souvenirs communs. Parfois sa voix se brise et son regard se perd...

La tragédie a commencé à l'âge de 9 ans, en 1937 à Barcelone, lors d'un bombardement franquiste, où, fuyant avec sa mère vers un abri antiaérien, une bombe explose à proximité la blessant gravement. Elle chute, mais toujours consciente, parle à son fils jusqu'à ce qu'on l'amène à l'hôpital d'où elle ne reviendra pas. Son dernier regard sera pour son fils qui en gardera une image figée à jamais dans sa mémoire. Après la mort de sa mère, son père envoie ses enfants en colonie(3). A la fin Janvier 1939, ils sont évacués par camions de l'Armée Républicaine jusqu'à Figueras. Angel se souvient que son jeune frère cherchait sa mère parmi les femmes présentes... Souffrance et sentiment d'abandon, leur quotidien dès cet âge-là fut une lutte pour survivre. Pour les 3 enfants, le trajet se poursuivit à pied au milieu d'un fleuve humain se dirigeant vers la frontière Française sous les bombes franquistes.

Orphelins de leur mère et avec un père absent, l'exil forcé commence au camp d'Argelès, puis vers la Dordogne où ils seront transportés dans des wagons à bestiaux, puis séparés... La fratrie se retrouvera à Sarlat dans les années qui suivent, puis ils retrouveront leur père, un militant anarchiste dévoué à la cause au point de la privilégier au détriment de sa famille.

Après la 2ème guerre mondiale, Angel fréquente les milieux anarchistes, il est militant et se lie d'amitié avec des jeunes de son âge. Par solidarité avec ses amis, mûs par un même idéal, il part avec eux en Aragon dans un groupe de maquisards antifranquistes. La mission du groupe qu'ils ne connaîtront qu'une fois sur place : faire sauter un train dans lequel voyagent franco et d'autres dignitaires du régime. La mission sera annulée pour cause de la présence de nombreux civils dans ce train.

Vraisemblablement dénoncé, le groupe est poursuivi et arrêté par les franquistes au passage du bac sur l'Ebre à Alborge en Juillet 1949. Après un premier passage à tabac, ils sont conduits au Cuartel (4) de la garde civile de Caspe (Aragon) où ils sont interrogés et torturés. Emmenés à la prison de Saragosse et jugés dans un simulacre de procès, ils seront tous condamnés à mort. 55 jours plus tard, le 10 mai 1950 à l'aube auront lieu les exécutions, sauf pour Angel et son camarade de cellule dont on a estimé qu'ils n'avaient eu qu'un rôle secondaire et qui verront leur peine commuée en années de prison. Ces maquisards avaient une vingtaine d'années en moyenne, certains n'étaient pas majeurs...

Puis vient la détention, la souffrance et le sentiment d'abandon liés à l'enfermement de 1950 à 1964, à la pensée de ses camarades fusillés: "je regardais par la fenêtre, à travers les barreaux, je voyais un peu le ciel. Et puis à la fin je parlais avec ma mère. Donc, je ne suis pas devenu fou. Il est arrivé un moment où ma mère était à côté de moi" Pour Angel, sa mère a toujours été à ses côtés, enfant comme adulte, il la voit en permanence. En 2016, au Mémorial de Saragosse, ses mains se crispent sur les plaques portant les noms de ses camarades maquisards assassinés par la dictature franquiste. Dans ce mémorial l'on retrouve les noms et les âges des représaillés, parmi lesquels plusieurs mineurs dont un de 14 ans.

Gracié en 1964, Angel retrouvera la France et sa famille.

"Avant de tourner la page de l'Histoire, il faut la lire, l'apprendre, la comprendre et l'assumer " Cette phrase d'un des amis Espagnols de Angel est un peu l'esprit de ce film. Elle ouvre la réflexion sur cette mémoire qui appartient à tous et qu'il faut transmettre. Elle est aussi une réponse pertinente à tous ceux qui, en Espagne voudraient tourner la page de l'Histoire...

Angel, 10 ans, sa soeur, 6 ans et son petit frère de 4 ans franchirent les Pyrénées seuls en plein hiver 1939 sans leurs parents pour être ensuite parqués dans les camps(2) sur les plages du Roussillon. Il est la voix des orphelins oubliés de cette période dont le nombre est estimé entre 30 000 et 50 000, et dont ce film est aussi l'histoire...  

 

 

(1) Il explique dans le film que pendant des années, son histoire n'intéressait personne autour de lui et que pour cette raison il a gardé le silence.

(2) Ces camps que l'on ne nomme plus par leur nom depuis le régime de Vichy.

(3) à la Cellera del Ter en Catalogne.

(4) Poste

Quelques liens

https://www.cinespagnol.com/films/angel/?cn-reloaded=1

http://shop.lelokalproduction.com/documentaire/31-angel.html

Programme du 23 Octobre au 15 Novembre 2017 - Souvenir de l'exil Républicain Espagnol

Programme du 23 Octobre au 15 Novembre 2017 - Souvenir de l'exil Républicain Espagnol

Un des dessins d'Angel

Un des dessins d'Angel

Angel et Domingo au parc des martyrs à Saragosse. Une plaque représente un représaillé...

Angel et Domingo au parc des martyrs à Saragosse. Une plaque représente un représaillé...

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