La Carretera Malaga - Alméria. Compléments d'information

Publié le par JB

 

Ce complément d'informations sur la Carretera Malaga - Alméria comportera deux volets: le premier, le témoignage de Annie Galy, de Memoria y Exilio qui s'est rendue avec plusieurs membres de sa famille aux cérémonies du 80ème anniversaire à Malaga. Un moment fort pour eux, on s'en doute, quinze des leurs se trouvaient sur cette route en ce mois de Février 1937...

Première partie

L'oncle Miguel de Haro(6) qui avait des responsabilités dans la défense Républicaine de la ville vint informer les siens et leur demanda de quitter la ville. Le 6 Février 1937, quinze membres de ma famille durent quitter Malaga face à l'imminence de l'entrée dans la ville des troupes fascistes de Mussolini, ainsi que des franquistes (1). "Malaga la Rouge" (2) résistait depuis 7 mois déja...

C'est pour rendre hommage à ma famille et à tous ceux qui pour une question de survie furent obligés de fuir par la "Carretera de la Muerte" (3), que dans une détresse indescriptible, je me suis rendue, accompagnée de ma famille à Malaga en Février 2017.

Comment ne pas rappeler cet épisode tragique de la Guerre d'Espagne, si peu connu, parce que délibéremment occulté par les franquistes, qui fut le plus meurtrier, il y a eu plus de morts qu'à Badajoz et qu'à Guernica. Plus de 15 000 morts (4), des milliers de blessés dont la plupart étaient des femmes, des enfants, des vieillards. Ce fut la première fois qu'au XXème siècle, une population civile sans défense était attaquée par terre, par mer et par les airs, laissant des milliers de victimes sur la Carretera de la Muerte.

Le 8 Février 2017, près du théâtre romain à Malaga étaient réunies des centaines de personnes qui avaient organisé une marche de Malaga à Alméria en 10 étapes pour rendre hommage aux victimes de la "Carretera de la Muerte". Ce fut une des premières fois que les autorités gouvernementales de la Junta de Andalucia et des représentants de la Mairie de Malaga apportaient publiquement leur soutien à cet hommage. De plus, ils m'ont demandé de collaborer, d'échanger avec les fils de réfugiés, pour la connaissance de la vérité historique.

Le 10 Février 2017 à Velez de Malaga était organisé un autre hommage en présence de survivants de la Carretera. Des historiens, universitaires et écrivains ont pris la parole et ont expliqué le "Génocide" de la Carretera Malaga-Alméria. Cette parole qui se libère de plus en plus, comme le montre et l'explique l'écrivain Carlos Guijarro à travers la remarquable Bande-dessinée "Promenade des Canadiens" "Paseo de los canadienses"

Cette semaine de Février 2017 fut pour moi intense en émotion. Tout ce que mes parents ont vécu sur la Carretera de la Muerte, j'ai pu le transmettre dans ces différentes manifestations. Je suis profondément convaincue que nos témoignages sont d'une importance capitale, ils enrichissent l'histoire, la vraie, celle qu'il ne faut pas cacher. Je pense que je dois continuer à donner de mon temps et de mon énergie pour faire connaître cet épisode de la Guerre d'Espagne, le travail de recherche et le travail de mémoire ne sont pas terminés.

Leur combat pour la liberté ne mérite pas l'oubli !

Annie Gonzalez Galy (5)

 

(1) Les troupes fascistes de Mussolini figurent en avant dans le texte, car ce sont elles qui, militairement, ont vaincu les défenses Républicaines pour livrer ensuite Malaga aux franquistes et à leurs représailles. 

(2) qualificatif donné par les franquistes - cf  notre article de juillet 2014 à ce sujet: "Malaga la roja"

(3) en Français, "Route de la Mort ", la route côtière Malaga - Alméria était la seule issue possible pour rejoindre le camp Républicain à Alméria distante de plus de 200 kms. Cette route était constamment bombardée par l'aviation nazie (légion condor) , par l'aviation fasciste italienne, crée pour la Guerre d'Espagne, dénommée Aviazione Legionaria et canonnée depuis la mer par 3 navires franquistes longeant la côte... La marine nazie, quand à elle, canonnera Alméria - cf notre article de juillet 2014 avec ses liens vidéos et photos d'époque.

(4) chiffres officiellement avancés aujourd'hui, qui trouvent leur explication dans les travaux récents et aussi dans le fait qu'il y avait à Malaga, pendant son siège, des réfugiés venus de toute la province, fuyant l'avancée franquiste. Une ville dans la ville, puisqu'on en a logé jusque dans la cathédrale...

(5) Annie Galy Gonzalez est Professeur de Mathématiques en retraite. Elle est également membre de Mémoria y Exilio depuis les débuts de l'association (2009). Née en France (Cazères 31) et bien que sa mère ne lui ait jamais parlé de ce massacre, ses soeurs qui avaient 9 et 12 ans lui ont tout raconté. Pour que ce drame ne soit pas oublié, elle a écrit il y a plus de 10 ans un livre qu'elle a envoyé à tous ses parents en France, en Espagne, en Argentine et au Brésil.

(6) Miguel de Haro, recherché par la police secrète franquiste, pour son appartenance au camp Républicain et son adhésion au parti communiste finit par être retrouvé. Il fut longuement torturé et ensuite condamné à mort. Sa peine fut commuée en 30 ans de prison dans des camps disciplinaires où l'on mourait de faim. Brisé, il fut libéré après 25 ans de prison.

 

Au centre (pull rouge), le Professeur, écrivain et Historien Jésus Majada, entouré de Antoine Martin (rescapé) de Toulouse, Annie Galy (veste beige) de Cazères, Madame Martin, sa fille et Romain Galy, petit-fils d'Annie

Au centre (pull rouge), le Professeur, écrivain et Historien Jésus Majada, entouré de Antoine Martin (rescapé) de Toulouse, Annie Galy (veste beige) de Cazères, Madame Martin, sa fille et Romain Galy, petit-fils d'Annie

Seconde partie

                                         

Ce second volet est consacré aux informations récentes et à tous ceux qui oeuvrent depuis des années pour sortir de l'oubli le massacre de la route Malaga - Alméria, ainsi que sur l'attitude des politiques, des médias et de la population par rapport à ceci.

A  Memoria y Exilio, c'est en 2014 lors de nos journées d'Avril que la plupart d'entre nous découvrions grâce à une intervention de Annie Galy l'existence de la tristement célèbre "Carretera Malaga - Alméria". A l'été 2014, nous avions fait écho à cette intervention dans ce même blog, rubrique actualités par une série de 14 articles. Etant donné qu'il s'agissait d'un sujet majeur dont peu de gens mesuraient l'importance à l'époque - y compris à MyE - , pour une meilleure compréhension par tous et pour ne pas occulter des faits importants notre démarche a été de ne pas se limiter à la seule "Desbanda" ou exode final. Nous avons donc présenté les tenants et les aboutissants (avant, pendant et après), les principaux acteurs des deux camps et les événements survenus à Malaga durant cette période qui va du début du siège de la ville qui dura 7 mois à l'arrivée des réfugiés à Alméria, canonnée les jours suivants par la marine nazie. Précisons également que notre association a aussi la particularité de compter dans ses rangs plusieurs familles dont les anciens ont vécu dans leur enfance cet épisode de la Guerre d'Espagne. Ceci dit, à part les témoins et leurs familles, les historiens et les enseignants, qui pouvait bien se rappeler de tout ceci dans une Espagne qui a des problèmes de mémoire avec son histoire récente? 

Trois ans plus tard, force est de constater que l'Espagne a un réel besoin de se réapproprier son histoire, occultée par certains, contestée par d'autres pour une seule et même raison, sa réalité dérange... Malgré l'hostilité d'une partie de sa classe politique, on note en 2017, la présence d'élus de gauche aux commémorations de la Carretera, chose qui n'existait pas il y a 3 ans. En 2016, une association a demandé à l'Allemagne et à l'Italie qu'elles reconnaissent leurs crimes de guerre dans ce qu'elle qualifie de "Guernica Andaluz". En Février 2017 a été apposée une plaque hommage à Norman Béthune à Malaga, sur le Paseo de los Canadienses.

Un des arguments avancés par ceux qui dénient (1) le massacre de la Carretera Malaga Alméria est que hormis le livre de Norman Béthune, il n'existerait pas d'archives Républicaines sur ces événements. Cet argument est faux, les archives existent, éparses, le livre en photo ci-dessous le démontre, Exodo Malaga Alméria, nuevas fuentes de investigacion (2). Paru en 2016, il s'agit d'une étude documentaire exhaustive en provenance d'archives, centres de documentation municipaux, provinciaux et nationaux, ainsi que des journaux de bord de deux des navires franquistes (3) ayant canonné la route Malaga - Alméria. Il a nécessité six ans de recherches et d'études d'archives civiles et militaires. Les auteurs, Maria Isabel Brenes, Docteur en Histoire et Andrès Fernandez, historien, archéologue et anthropologue ont mené à bien un travail de synthèse qui vient compléter les témoignages de survivants et qui constitue un progrès dans la connaissance de cet épisode occulté de la Guerre d'Espagne.

Une exposition itinérante dénommée "El exodo de la carretera de Alméria. Febrero de 1937(4) affiche les documents originaux qui apparaissent dans l'ouvrage cité précédemment. Quelques liens:

http://www.eldiario.es/mayor-crimen-guerra-franquismo-desbanda_0_480852402.html

https://www.elconfidencial.com/sociedad/2012-02-11/la-desbanda-de-febrero-de-1937-exodo-en-el-mediterraneo_391871/

Concernant les attaques par avions des colonnes de civils sur la route Malaga Alméria, il n'y a pas que les témoignages de rescapés. Les "discours" ou plus exactement les menaces à l'intention des Républicains, proférées tous les jours sur Radio Séville par le général Queipo de llano viennent également confirmer les bombardements des colonnes de civils fuyant Malaga (7):

"...A los tres cuartos de hora, un parte de nuestra aviacion (8) me comunicaba que grandes masas huian a todo correr hacia Motril. Para acompañarles en su huida y hacerles correr mas aprisa, enviamos a nuestra aviacion, que los bombardeo ".

"...il y a trois quarts d'heure, un groupe de notre aviation (8) me communiquait que de grandes masses fuyaient en courant vers Motril. Pour les accompagner dans leur fuite et les faire courir encore plus vite, nous avons envoyé notre aviation qui les a bombardés "                                    

 http://www.buscameenelciclodelavida.com/2013/02/146-la-masacre-de-la-carretera-de.html

Un autre aspect - récent - sur la connaissance du nombre de morts sur la Carretera Malaga Alméria lors de la "desbanda", il y a quelques années à peine, on parlait de quelques milliers de tués (5), aujourd'hui, au fur et à mesure que la connaissance progresse, ces chiffres sont revus à la hausse (6)

 

 

 

 

(1) ou pour qui cette histoire semble douteuse, ce qui revient au même.

(2) Exode Malaga Alméria - Nouvelles sources d'investigation - 2016 - Arastipi éditeur -

(3) Il s'agit des journaux de bord des croiseurs Canarias et Almirante Cervera.

(4) L'exode de la route de Alméria. Février 1937

(5) de l'ordre de 5000 personnes.

(6) ce qui peut s'expliquer par le fait que beaucoup de réfugiés de la province, fuyant l'avance franquiste avaient trouvé refuge à Malaga puisqu'on en avait logé jusque dans la cathédrale. Une ville dans la ville comme nous l'avons dit plus haut. En 2017, il est question de 15 000 personnes.

(7) relevé sur le site Espagnol "Buscame en el ciclo de la vida", article n° 146 du 7 Février 2013 "La masacre de la Carretera de Malaga a Alméria" Rappelons également que les discours de Queipo de llano ont fait l'objet d'enregistrements.

(8) l'aviation du camp franquiste, dans la région de Malaga était à 75% italienne, complétée par une escadrille de la légion condor formant les 25% restants. Discours typique de ce sinistre personnage que fut Queipo de llano et dont la caractéristique est d'expliquer dans le détail ce qu'il a fait subir aux Républicains. Rappelons qu'en 2014, nous lui avions consacré un article de la série "La Carretera Malaga ".

 

 

 

 

1937 - Exode Malaga Alméria - Nouvelles sources d'investigation - 2016 - Arastipi éditeur -

1937 - Exode Malaga Alméria - Nouvelles sources d'investigation - 2016 - Arastipi éditeur -

Plaque d'hommage à Norman Béthune apposée en 2017

Plaque d'hommage à Norman Béthune apposée en 2017

La Carretera Malaga - Alméria. Compléments d'information
La Carretera Malaga - Alméria. Compléments d'information
Monument en hommage aux personnes fusillées à Malaga par les franquistes

Monument en hommage aux personnes fusillées à Malaga par les franquistes

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